Les producteurs de diamants et les bijoutiers partent à l’assaut des millennials pour assurer des ventes éternelles.
Dans son clip «Look What You Made Me Do», Taylor Swift flotte dans les diamants. Des vrais: 10 millions de dollars fournis par le bijoutier du Tout-Hollywood, Neil Lane. Et si la baignoire est d’influence kimkardashienne (remember le braquage parisien?), cette plongée dans des gemmes de carbone n’est peut-être pas qu’un simple règlement de comptes.
Depuis 2015, une vague de carats déferle sur cette génération d’influencers, courtisés par des maisons à l’image autrefois conservatrice. Tiffany a demandé à Lady Gaga de signer une collection «élégamment subversive», juste avant de nommer le fashion designer Reed Krakoff comme directeur de la création. Audrey Hepburn archivée, Krakoff a engagé une brochette de jeunes filles rock’n’roll comme Elle Fanning, Zoë Kravitz et la chanteuse St. Vincent.
Le renouveau a aussi touché Chopard avec la reine des diamonds Rihanna, de Grisogono avec Cara Delevingne et son tatouage en forme de diamant sur le lobe, Messika avec Gigi Hadid, et Bulgari, qui a recouvert d’éclat l’autre sœur Hadid, Bella, pour le numéro de juillet de V Magazine.
L’authenticité est rare
Les bijoutiers essaient de dépoussiérer les diamants pour atteindre la génération Y, les millennials, «la cible démographique la plus importante, car en âge de se marier». Pour cela, les pontes de l’industrie ont créé en 2015 la Diamonds Producer Association (DPA), avec à la clé un budget publicitaire de 50 millions de dollars sur trois ans, investissement qui devrait booster ce marché à la croissance plus faible que le reste du luxe (4,4% en 2016, aux États-Unis).
«On ne se demande pas quoi créer pour les millennials, a confié le CEO de Cartier Cyrille Vigneron au site de Korn Ferry, mais comment communiquer afin qu’ils nous entendent.»
Résultat, un nouveau slogan pour le diamant –Real is Rare (en VF, L’authenticité est rare) qui ressemble à un hashtag motivationnel–, et @realisadiamond, l’Instagram lié officieusement à la DPA, qui poste des images de brownies en forme de diamant, des bracelets pour chiens sertis de précieux et même un superbe collier tête de dragon inspiré par Games Of Thrones.
Dix ans après le film Blood Diamond avec Leonardo DiCaprio qui avait terni l’image de la pierre éternelle pour toute une génération, les diamantaires tentent de redorer son éclat auprès des jeunes. Stylist vous dévoile les trois facettes de leur stratégie.
1.Faire croire à l’amour éternel
Sachez-le: le diamant n’est pas si extraordinaire qu’on nous l’a fait croire. Ni aussi rare, depuis qu’à la fin du XIXe siècle on a découvert, en Afrique du Sud et en Sibérie, des gisements où ces pierres précieuses se ramassaient à la pelle. Terrorisés par le spectre de l’inflation, les exploitants miniers créent en 1888 la De Beers Consolidated Mines Ltd, «le monopole le plus efficace de l’histoire du commerce moderne», selon The Atlantic. Comprendre: une association avec la mainmise sur l’extraction et le contrôle des prix, qui détient encore aujourd’hui près de 80% de la production mondiale de diamants bruts. Et qui a carrément inventé l’amour. Enfin, une certaine vision de l’amour.
Si même le petit ami de Chiara Ferragni a demandé cette dernière en mariage en mai dernier avec un solitaire colossal, c’est justement grâce à Mary Frances Gerety, jeune conceptrice rédactrice –accessoirement célibataire jusqu’à la fin de ses jours– engagée par De Beers. En 1947, elle invente A diamond is forever, couronné «slogan du XXe siècle» par le magazine Advertising Age. Trois ans plus tard, soit soixante ans avant Beyoncé, l’agence de pub NW Ayer remarquera qu’«à présent, une fille ne se sent pas engagée tant qu’on ne lui a pas passé une bague de diamants au doigt». Peu importe que, comme l’analysait l’ancien acheteur de diamants Ira Weissman au HuffPost en 2013, aucune tradition ancestrale ne justifie l’achat d’une bague de fiançailles, et que «dépenser un ou deux mois de salaire pour quelque chose d’aussi inutile, quand vous vous apprêtez à fonder une famille, est une très mauvaise décision financière». Mais comme dans le couple, rien n’est acquis:
«Si les millennials sont intéressés par l’amour autant que les générations précédentes, expliquait en 2015 le chef du marketing chez De Beers, Stephen Lussier, nous devons nous assurer qu’ils continuent à voir dans les diamants une expression de cela.»
2.Jouer la transparence
Côté tendance, rien n’est plus prescripteur que le hip-hop, dévoué au bling-bling. JAY-Z ou Sean Diddy Combs ont introduit diamants et platine dans un monde dominé par l’or jaune, et le peura est aussi responsable de la réhabilitation du carbonado, le diamant noir, métaphore parfaite à incruster tant dans une punchline que sur le cadran d’une montre. Si dans la vraie vie, il reste difficile de porter un grillz –le dentier en pierres précieuses de la valeur d’un penthouse–, les rappeurs sont les hommes-sandwichs idéaux pour atteindre les jeunes.
La preuve? Les orfèvres les plus en vue, comme Jacob «The Jeweler» Arabo ou l’ancien producteur Ben Baller, ont parfois plus de followers sur Insta que leurs célèbres clients, et leurs créations croulent sous les likes. Comme la chaîne Ice Age (dans le jargon, «ice », glace, est synonyme de diamants) portée par Mike Jones, un million de dollars pour plus de cent carats de flamboyance. «Sérieux, a écrit Ben Baller sur le site Complex, on dirait des diamants incrustés dans d’autres diamants.»
Malgré l’enthousiasme, le milieu n’est pas dupe des problèmes. Le principal ? Les pierres issues de mines illégales, responsables de dix ans de guerre civile en Afrique de l’Est. Kanye West l’a dénoncé dans son titre «Diamonds from Sierra Leone» et le chanteur de Public Enemy, Chuck D, a expliqué les travers de la passion de ses confrères dans le bref docu Bling: Conséquences et répercussions.
Si la DPA concentre à présent ses efforts sur la certification, c’est justement pour rassurer les millennials, qui «s’attendent à plus d’éthique et de transparence que leurs parents», selon le magazine de secteur Jewelers Circular Keystone. Surtout après l’échec du Kimberley process, système de contrôle mis en place par les Nations Unies en 2003. C’est ainsi que Krish Himmatramka, qui ne trouvait pas de diamant éthique pour faire sa demande à sa fiancée, a créé sa start-up Do Amore, qui propose des diamants recyclés ou «conflict-free».
Mais redonner confiance aux consommateurs, plus particulièrement aux millennials, n’est pas chose aisée –même l’Institut gemmologique d’Anvers vient de financer une campagne radio–, et les pierres synthétiques comme le cubic zirconia (cz) gagnent du terrain. Attention: dans le rap, le toc peut encore vous valoir un dissing de 50 Cent (adepte du keep it real) ou, pire, une enquête de The Wall Street Journal qui, en 2009, en a fait un signe de la dégringolade financière de certains rappeurs.
3.Dédramatiser l’achat
En janvier dernier, le CEO de De Beers, Bruce Cleaver, livrait à Associated Press un dur constat: les moins de 35 ans semblent «plus concernés par le remboursement de leurs prêts étudiants que par l’achat de diamants». Une analyse qui rejoint les infos livrées en 2012 par l’analyste Chaim Even-Zohar lors d’une convention de producteurs miniers: le marché des bagues de fiançailles d’occasion soustrait à l’industrie 1,2 milliard de dollars.
«Si l’on propose les diamants comme un truc de mariage, la plupart des millenials ne se sentiront jamais concernés», avance Stephen Lussier.
Alors que la cohabitation hors-mariage a grimpé de 29% aux États-Unis depuis 2007, le risque pour les bijoutiers, c’est que les millennials skippent la case «je le veux». Attendez avant de sortir les mouchoirs. En début d’année, De Beers publie des chiffres montrant que la horde de millennials et son goût pour le célibat représente 45% des achats globaux de diamants.
Alors, certes, la taille des pierres s’est reproportionnée en fonction des salaires, mais les nouvelles habitudes d’achat pourraient bien changer la donne. Alors que certains misent sur les man-gagement rings, des bagues de fiançailles pour homme déjà adoptées par 5% d’entre eux selon le groupe média XO, d’autres mettent le Web à profit. Comme Rare Carat, start-up du trentenaire Ajay Anand qui utilise les data et les chatbox pour orienter les achats de diams. Ou Blue Nile qui proposent de créer son bijou de A à Z.
Pas encore prêt à franchir le pas? Pour éviter de faire rimer bague au doigt et corde au cou (on sait, ça ne rime pas), le type en voix off de la pub Real is Rare rappelle que même lui, à un moment, a «paniqué, (avec elle) c’était trop, trop vite