Le diamant naturel souffre-t-il d’un déficit de communication? Jean Marc Lieberherr le pense. C’est la raison pour laquelle ce fin connaisseur du monde minier, après avoir passé comme Managing Director plusieurs années chez Rio Tinto (groupe minier anglo-australien, société leader d’extraction de diamants avec De Beers et Alrosa) a fondé la DPA (Diamond Producers Association) en 2015.
Le but et la justification de cette association, qui dispose d’un budget de plusieurs millions d’euros, est de reprendre contact avec la presse afin notamment de dissoudre les éventuels malentendus que soulèvent l’industrie du diamant naturel et de mettre en lumière les efforts importants consentis par la filière en matière de développement durable, de respect de l’environnement. Il s’agit, en résumé, chiffres et documents powerpoint à l’appui, d’exalter l’aura du diamant autour de valeurs faisant appel à la confiance et l’intégrité.
Pour mettre un peu de transparence dans cette industrie réputée complexe, la DPA a organisé une conférence de presse à Paris mardi 20 novembre dernier. La France n’est pas, loin de là, une grande consommatrice de diamants (1 pour cent de la consommation mondiale, le marché principal étant les Etats-Unis) mais l’éclat et l’ancienneté des maisons joaillières françaises, l’excellence de leurs productions justifient, du point de vue de l’association, de prendre la parole auprès des médias français. La DPA a accepté, sans réserve, de répondre aux nombreuses questions soulevées par les journalistes, notamment celles qui concernent l’émergence médiatique du diamant de synthèse.
En ce qui concerne le développement durable, la DPA est formelle : « Les grands groupes tels que Alrosa, De Beers, Rio Tinto ne se contentent pas d’œuvrer à la prospection, à l’extraction et à la commercialisation des pierres. Ils jouent également un rôle de premier plan dans l’établissement de procédures ayant pour but non seulement de minimiser l’impact des activités minières sur la nature, mais aussi d’encourager la croissance économique des pays producteurs. Quelques exemples concrets. En stimulant la création d’emplois, en favorisant l’édification d’hôpitaux, d’écoles ou encore de réseaux routiers, en s’investissant dans la lutte contre le Sida, en développant des programmes sociaux à grande échelle. » L’association balaye ensuite d’un revers de la main ce qu’elle qualifie de contre-vérités: “non, l’industrie du diamant n’est pas le fruit d’un monopole, non, l’industrie du diamant n’est pas un monde exclusivement dirigé par les hommes, non l’industrie du diamant ne prospère pas sur le conflit mais s’épanouit au contraire, et plus que jamais, de la mine à la boutique, sur des récits personnels et singuliers, sur des réalisations sociales et culturelles.”
Diamant naturel: gagner la confiance d’une nouvelle génération de consommateurs
Vient enfin le nerf de la guerre : la responsabilité. La question est vaste, le programme ambitieux. Il faut cependant saluer les efforts que les grands acteurs de la filière semblent vouloir mettre en place pour gagner la confiance d’une nouvelle génération de consommateurs soucieux d’acheter des produits conformes à certaines notions éthiques. Le but ultime étant bien entendu de réussir dans un futur proche de mettre en place une chaine d’approvisionnement universelle et transparence.
Pour nous convaincre, l’association égrène les chiffres : « Le secteur artisanal du diamant emploie 1,5 millions de personnes dans le monde. Il représente une source de revenue importante dans les pays producteurs que sont la Russie, le Botswana, la Namibie, l’Angola, l’Afrique du Sud, le Canada, le Congo, l’Australie, en sachant que les pays de l’Afrique sub-saharienne pourvoient près de la moitié de la production mondiale de diamants bruts en valeur. Quelques exemples : au Bostwana, l’industrie diamantaire a largement contribué à la croissance économique du pays qui bénéficie désormais du plus haut taux de développement des pays africains. » Autre exemple: les salaires des employés d’Alrosa sont deux fois plus élevés que le salaire moyen en Yakoutie et trois fois supérieurs au salaire moyen en Russie. La majorité des travailleurs sont aussi membres du syndicat spécialisé qui protège leurs intérêts. Alrosa paie chaque année plus de 1 milliard de dollars en impôts et dividendes à la Yakoutie, ce qui représente près de 40 pour cent du budget de la région.
L’industrie diamantaire, nous apprends la DPA, développe également des programmes sociaux à grande échelle. “Rien qu’en 2016, Alrosa a apporté plus de 180 millions de dollars en investissements sociaux, soit environ 3 pour cent de ses revenus”. Des projets sociaux qui profitent réellement aux populations. Ainsi, à la fin de l’année dernière, Alrosa a entamé un vaste programme de dépistage de santé gratuit pour les travailleurs. La société se charge aussi de fournir des retraites additionnelles, des soins de santé, de l’aide pour les hypothèques et le logement, ainsi que d’organiser des événements sportifs et culturels. Le groupe De Beers stimule quant à lui la création d’hôpitaux, d’écoles, de services communautaires et de réseaux routiers dans les pays producteurs, comme le Botswana. Le groupe prend en charge tous les frais médicaux de ses employés et de leurs conjoints.
Vient enfin le volet concernant le diamant de synthèse. En 1971, la Général Electric réussît pour la première fois à développer en laboratoire le premier diamant de synthèse de qualité gemme. Grâce à des machines fonctionnant pendant toute une semaine, on pouvait produire des pierres allant jusqu’à 1 carat. La compagnie Element Six est aujourd’hui l’une des plus grandes sociétés de diamants synthétiques au monde et il existe désormais plusieurs méthodes pour fabriquer des diamants en laboratoire : les deux principales sont la méthode haute pression et haute température (HPHT) ou le dépôt chimique en phase vapeur (CVD). A l’œil nu, les deux pierres se ressemblent. Il faut noter cependant que les laboratoires certifiés savent distinguer une pierre naturelle d’une pierre synthétique, grâce à d’infimes particularités liées aux inclusions, à l’agrégation de l’azote, à la forme de croissance.
La question qui fâche: le diamant de synthèse est-il une alternative écologique au diamant naturel? Pour la DPA, la réponse est non. D’une part, parce que seule l’industrie du diamant contribue à faire vivre plusieurs millions de personnes dans le monde, oeuvrant activement en collaboration avec des ONG à l’établissement de routes commerciales transparentes, représentant une source de revenu importante pour les populations locales souffrant de pauvreté. Ensuite- et c’est l’argument clé de la démonstration élaborée par la DPA – parce qu’un diamant CVD d’un carat produit en Chine ou à Singapour émet 40 pour cent de plus de CO2 qu’un diamant naturel. Sans parler du fait que les diamants de synthèse n’ont aucun impact socio-économique au delà de leurs actionnaires privés. Une démonstration somme toute plutôt convaincante en faveur du diamant naturel.